Les derniers soldats étatsuniens ayant quitté le territoire afghan le 30 août, le pays sombre encore, et l’on pouvait s’y attendre, dans une déroute obscurantiste, aucunement anticipée. La France, en tant que grande nation républicaine et humaniste, ne doit pas déroger à son devoir d’humanité.

Lors de son allocution télévisée du 16 août dernier, Emmanuel Macron fait scandale en déclarant : « Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers et importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent, et nourriraient les trafics de toute nature ». Ces propos affligeants témoignent d’un rapprochement décomplexé avec la rhétorique d’extrême-droite. Le Président s’est depuis maladroitement défendu, sur un accent rocardien, précisant que « la France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés ».

Oui, la France doit évidemment prendre sa part dans cette catastrophe humanitaire, et réserver un accueil digne et inconditionnel aux réfugié·es afghan·es. Il faut d’abord préciser que près de 2.6 millions d’afghan·es étaient déjà réfugié·es dans le monde en 2020. En France, ils représentent la première communauté, avec 41 000 personnes (0.0006% de la population française). Mais au total, moins de 13 % des réfugiés afghans arrivent en Europe. Le pont aérien organisé par la France durant la deuxième quinzaine d’août a permis le sauvetage de près de 2600 ressortissants. Pour autant, malgré les promesses du Président de la République, seuls 21 personnels civils de recrutement local (afghans ayant travaillé avec l’armée française) ont été évacués avec leur famille, selon le décompte du collectif d’avocats leur venant en aide. Cela parait bien peu au regard des 170 auxiliaires de l’armée ayant demandé une évacuation après le retour au pouvoir des talibans. Aussi, la plupart des afghans ayant bénéficié d’un visa pour la France sont des médecins, procureurs, personnes en lien avec des ONG et institutions internationales, artistes, journalistes… Globalement, des membres d’une classe moyenne urbaine, en contact avec des occidentaux. Pour le reste, plusieurs milliers de personnes se trouvent livrées à leur propre sort. 

Comme l’a rappelé Jean-Luc Mélenchon lors de son dernier meeting à Valence, la guerre ne règle jamais les problèmes politiques. La défaite et la déroute de l’armée étatsunienne en Afghanistan aura de terribles conséquences pour la population locale. Durant vingt ans, les Etats-Unis ont dépensé près de 2200 milliards dans cette guerre, soit plus que pour le gigantesque plan Marshall post-Seconde Guerre Mondiale de 1947. Aujourd’hui, les armées étatsuniennes et afghanes laissent derrière elles avions, véhicules et systèmes de défense dont vont profiter les talibans, même si certains de ces équipements ne sont plus en état de fonctionner (notamment le matériel laissé au 30/08), d’après le Département d’Etat des Etats-Unis. 

On constate aisément par ailleurs qu’Emmanuel Macron ne tire, à ce stade, aucune leçon de la guerre en Afghanistan. Dès l’accord signé en février 2020 entre les Etats-Unis et les talibans sur les conditions du retrait de l’armée étatsunienne, il était évident que les talibans allaient reprendre le pouvoir. Le ministère français des Armées aurait pu organiser et planifier l’exfiltration des auxiliaires de l’armée française, mais tout s’est fait dans la précipitation, juste avant l’ultimatum du 31 août posé par les talibans. De même, sur la présence des forces spéciales françaises en Irak, le Président de la République assure que « nous les maintiendrons aussi longtemps que les forces terroristes seront là et aussi longtemps que les Irakiennes et les Irakiens nous le demanderont », alors même qu’il existe des similitudes entre la situation de l’Irak et celle de l’Afghanistan. Au Sahel également, où l’armée française est présente depuis huit ans sans résultats tangibles, Macron n’évoque pour l’instant rien sur un éventuel retrait et une solution politique. 

A l’heure où le dérèglement climatique et les nouvelles rivalités entre puissances risquent de générer de nouvelles guerres destructrices, il est urgent de réfléchir sur les modalités d’intervention de la France dans l’organisation du monde. Nous nous positionnons tout d’abord en faveur du retrait de notre pays du commandement intégré de l’OTAN. Cette organisation de ‘’l’Atlantique Nord’’, qui aurait eu vocation à disparaitre lors de l’effondrement de l’URSS, nous oblige à suivre la ligne militaire des Etats-Unis (notamment dans leur stratégie indopacifique d’augmentation de la présence militaire face à la Chine). Alors même que les Etats-Unis ont négocié directement avec les talibans en Afghanistan, sans intégrer dans ces discussions leurs alliés de l’OTAN, ayant combattu à leurs côtés. Il semble que les Etats-Unis soit coutumiers des décisions prises unilatéralement; dernier rappel en date : le contrat  avorté des 12 sous-marins entre l’Australie et la France, annoncé par Joe Biden en personne depuis la Maison blanche. Au lieu de suivre aveuglément les Etats-Unis comme le font Emmanuel Macron et son gouvernement, la France doit donc quitter l’OTAN pour s’affirmer comme une puissance de médiation au service de la paix.

En Afghanistan comme ailleurs, la France doit donc réaffirmer son indépendance militaire, et œuvrer en faveur de solutions pacifiques et politiques en respectant la souveraineté des peuples. Il est essentiel de déployer une diplomatie internationaliste sur l’ensemble du globe, soutenir l’ONU comme seule organisation mondiale promotrice de la paix, traiter les causes des migrations, et mettre un terme, aussi, aux accords commerciaux inégaux qui maintiennent les peuples défavorisés dans la misère.