62 894. C’est, au 5 juillet 2021, soit un jour avant la publication des résultats du baccalauréat, le nombre d’élèves n’ayant toujours pas reçu au moins une proposition d’admission de la plateforme Parcoursup. Un scandale depuis maintenant trois ans, dont on peut lire dans la presse en ce moment de nombreux témoignages. Un sujet qui revient comme un marronnier. Les ‘’ajustements’’ promis par M. Blanquer et Mme Vidal ne semblent pas parvenir à changer la donne.
Au début du mandat d’Emmanuel Macron, nous étions nombreuses et nombreux, dans la rue, à exiger l’abandon pur et simple d’une réforme qui, sous couvert d’améliorer l’efficacité et la lisibilité de l’orientation des bacheliers vers l’enseignement supérieur, a finalement entrainé une sélection féroce. Un tri social qui ne dit pas son nom, qui accroît la compétition entre les élèves, et qui met en concurrence les établissements d’enseignement, avec la perspective réelle d’un bac local. La ministre Frédérique Vidal a beau fanfaronner à la radio lorsqu’elle annonce l’ouverture de 19 000 places supplémentaires dans les formations en tension, elle ne semble nullement se préoccuper, en parallèle, du recrutement d’enseignants supplémentaires, de la création de nouveaux locaux, ni de l’achat d’équipements.
L’enseignement supérieur, pour eux, c’est donc davantage un lieu select dont l’entrée s’acquiert au prix d’une sélection sociale sans affect, qu’un droit républicain et humaniste que la France brandit pourtant dans les grands raouts internationaux. Comme j’ai pu l’exprimer lors des questions orales au gouvernement en hémicycle, le 29 juin dernier Jean-Michel Blanquer est la figure parfaite du fossoyeur du service public de l’éducation nationale. Il ne fait aucun doute que ce gouvernement, depuis le début, s’acharne à bafouer nos principes républicains, notre République sociale et universaliste. La devise républicaine, Liberté Egalité Fraternité, n’a pas seulement été recouverte de gouache par une équipe de ministres en costumes, elle a carrément été retirée du fronton de nos institutions. Liberté écorchée avec les lois séparatisme et sécurité globale. Fraternité piétinée avec la loi asile et immigration. Egalité étouffée par la casse du droit du travail, de multiples réformes fiscales favorables aux plus aisés et, on vient de l’apprendre, la désacralisation croissante du baccalauréat national.
Le ministre de l’Education Nationale, en bon praticien d’une philosophie libérale appliquée à l’Education, a en effet récemment annoncé de nouvelles modalités dans l’évaluation du baccalauréat. Pour rappel, depuis la dernière réforme, la note finale du bac reposait sur 40% de contrôle continu et 60% d’épreuves finales. C’était déjà un coup dur porté à l’universalité et à l’égalité d’un sésame facteur d’égalité républicaine, quoiqu’imparfait. Cette fois nous apprenons la suppression, dès 2022, des évaluations communes (ex-E3C), dont le contenu sera désormais évalué par contrôle continu. Or ces évaluations représentaient jusque-là 10% de la note finale du baccalauréat (soit le quart du fameux 40%), et reposaient sur des banques de sujets communes à l’ensemble des établissements, qui devaient organiser des mini examens avec convocations et jurys. En termes d’organisation, la suppression des E3C peut sembler intéressante. Mais en termes d’égalité devant le baccalauréat, c’est une catastrophe. Jean-Michel Blanquer concède néanmoins la mise en place de ‘’repères nationaux’’ protégeant ‘’l’égalité de traitement’’, qui seront fournis aux professeurs pour noter équitablement les élèves peu importe l’établissement. Nous sommes sauvés !
Ainsi donc, le locataire de l’hôtel de Rochechouart, en bon fossoyeur du service public de l’Education Nationale avec son projet de bac local, semble résolu à faire du baccalauréat un simple diplôme d’établissement. Mise en concurrence des lycées, différenciation du diplôme, et toutes les discriminations sociales que cela entraine. Voilà les conséquences de la réforme du bac. Les lycéen·nes des beaux quartiers continueront de bénéficier d’un accès privilégié aux grandes écoles et aux universités, car ils seront munis d’un bac validé dans un établissement considéré correct. En revanche pour les autres, Parcoursup jouera le rôle de la machine à trier. Ecole des riches, école des pauvres.