J’ai interpellé la Ministre Brigitte Bourguignon lors du débat sur la situation dans les EHPAD.
« La première vague de l’épidémie a incontestablement révélé votre impréparation et les limites de notre système de santé, fragilisé par l’approche comptable et les logiques de gestion à flux tendu qui prévalent depuis deux décennies dans son organisation, au détriment des objectifs de santé publique.
Lors de cette première vague, les cadres et les personnels des EHPAD ont dû s’adapter dans l’urgence aux injonctions contradictoires de votre administration. Ils se sont efforcés de préserver les personnes dont ils avaient la responsabilité. Grâce à leur dévouement et à leur professionnalisme, ils sont parvenu à juguler la catastrophe qui s’annonçait.
Mais le déficit chronique de personnel, que nous dénonçons depuis des années, ainsi que les difficultés d’approvisionnement en matériel pour lutter contre la propagation du virus ne leur ont pas facilité la tâche. Ils ont aggravé les défaillances structurelles existantes et généré d’importants problèmes. Par ailleurs, l’impossibilité de recevoir de la visite a plongé de nombreux résidents dans une immense détresse psychologique qui a eu des conséquences graves sur la santé de certains d’entre eux.
Nous devrons prendre toute la mesure du drame vécu par de très nombreuses familles qui se sont retrouvées d’abord dans l’impossibilité de voir leur père, leur mère, leur frère ou leur sœur, puis interdit d’assurer convenablement les rites funéraires pour leurs aînés fauchés par la maladie. Ces drames humains marqueront durablement les mémoires.
Selon plusieurs témoignages concordants, la seconde vague a été un peu mieux vécue, notamment parce que les résidents ont pu à nouveau recevoir de la visite.
Cet assouplissement des règles, s’il est considéré comme absolument nécessaire par beaucoup de professionnels du grand âge, n’est probablement pas sans conséquences sur la propagation du virus au sein des EHPAD. A l’occasion d’un communiqué au mois de novembre, le directeur de l’ARS en Occitanie a qualifié la situation dans les EHPAD de la région d’extrêmement critique, rappelant qu’un « très grand nombre [de résidents] sont touchés dans notre région et malheureusement beaucoup plus que lors de la première vague. » Selon certaines sources, les résidents des EHPAD représenteraient autour de 45% des morts liés à l’épidémie de la COVID 19.
Le gouvernement a lancé fin octobre une campagne de recrutement de personnel en urgence pour les EHPAD. Malheureusement il semble qu’elle peine encore à remplir ses objectifs.
Pouvez-vous nous dire, Monsieur le Ministre, où en est-on au niveau de ces recrutements sachant que, comme l’indiquaient mes collègues Caroline Fiat et Monique Iborra dans un rapport de 2018, il faudrait doubler le nombre de soignants au chevet des résidents, ne serait-ce que pour pallier les carences structurelles des EHPAD ?
Le manque d’informations et l’absence de transparence sur la situation dans les EHPAD, que ce soit vis-à-vis du personnel, des résidents ou de leurs familles, a considérablement aggravé le climat de défiance vis-à-vis de l’autorité. Un climat délétère dont nous faisons collectivement les frais aujourd’hui. Car le manque de confiance exprimé par une part importante de la population française met en péril le succès de la campagne de vaccination qui débute.
Dans ma circonscription en Ariège, des personnels travaillant dans certains des EHPAD pilotes où la vaccination a commencé, déplorent que de trop nombreux résidents soient encore réticents à se faire vacciner. Parmi les principales raisons évoquées pour justifier leur méfiance, l’accumulation d’informations contradictoires, le sentiment d’une grande désorganisation et le manque de transparence dans la gestion de l’épidémie. A ceci s’ajoutent des défauts de coordination qui entravent concrètement le bon déroulement de la campagne de vaccination dans les EHPAD.
Il m’a été rapporté par exemple que dans l’un des établissements pilote de mon département, qui accueillent près de 200 personnes âgées, le jour de la première séance de vaccination a été fixé par l’ARS tout juste une semaine à l’avance. Un seul médecin coordonnateur disposait de seulement deux jours pour recueillir le consentement des dizaines de personnes concernées, dont une partie n’était pas en mesure de le donner directement.
Il s’est donc organisé du mieux qu’il a pu pour pouvoir le faire, avec les informations fournies par l’ARS. Mais le jour où il devait passer les commandes des doses de vaccin, l’ARS lui a communiqué un nouveau questionnaire en l’informant qu’il devait le faire remplir aux résidents pour recueillir leur consentement. Ce médecin a dû refaire le tour des volontaires en un temps record pour satisfaire aux exigences de l’administration. Toute cette énergie dépensée en urgence et ce stress pour qu’en fin de compte l’établissement se voit informé que les doses ne pourraient pas être livrées le jour convenu mais seulement deux jours plus tard…
Comment voulez-vous que le personnel interprète ce type de déconvenues ? Est-ce un mépris total de l’administration vis-à-vis des personnels soignants, ou bien est-ce le signe d’une mauvaise coordination et d’une grande incompétence ?
Monsieur le Ministre, mon témoignage ne doit pas être le seul qui vous informe de tous ces dysfonctionnements. Vous êtes en charge de la politique de santé de notre pays. Quelles solutions concrètes prévoyez-vous pour répondre aux exigences sociales et sanitaires que la situation nous impose ? »