Un texte bâclé, des amendements censurés, le pilote automatique LREM a encore frappé !
Durant la deuxième quinzaine du mois de juin, nous étudiions le projet de loi porté par la majorité, sur la réforme de l’audiovisuel. Ou plutôt, le projet de loi « relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Une version très édulcorée d’un texte débattu dès 2019 par l’Assemblée nationale, qui promettait notamment plusieurs changements en ce qui concerne l’audiovisuel public, comme la suppression de France 4, la création d’une nouvelle entité pour le groupe Radio France, et de nouvelles coupes budgétaires. Ces mesures ont finalement fait les frais de la crise sanitaire. Les député·es ont donc débattu ces dernières semaines de l’unique dispositif retenu par le gouvernement, à savoir la fusion entre le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) et la HADOPI, pour créer l’Arcom.
Cette ‘’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique’’, nouveau gendarme en matière de télécommunications, a pour objet affiché de lutter contre le streaming illégal de manière plus efficace que ne le faisait HADOPI. Car la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet est une autorité publique indépendante, née en 2010, a déjà coûté 82 millions d’euros aux pouvoirs publics depuis son existence, pour seulement 87 000 € engrangés en amendes. Rien qu’en 2019, sur 830 000 dossiers ouverts par HADOPI, seuls 600 ont fait l’objet de poursuites pénales. Un dispositif jugé très couteux et surtout inefficace, qu’il est nécessaire de repenser.
Cependant le gouvernement fait le choix de continuer à mettre le paquet sur la lutte contre le streaming illégal et la protection des droits d’auteurs des gros acteurs privés, plutôt que de protéger la liberté d’expression en mettant fin à la censure et à la surveillance généralisée des internautes, tout en protégeant les données personnelles de ces derniers. Pire, il ne s’attaque pas à cette hypocrisie majeure qui fait que ce n’est pas le piratage que l’on sanctionne, mais l’absence de protection de réseau par un VPN (qui permet de cacher son adresse IP, et d’échapper aux contrôles de la HADOPI). En ce qui nous concerne avec le groupe LFI, nous proposons que les pouvoirs publics contribuent à créer une offre publique audiovisuelle légale, accessible à toutes et tous, et qui rémunère dignement les travailleurs de l’art et de la culture.
Concernant l’audiovisuel, le gouvernement laisse en jachère ce chantier qu’il avait ouvert il y a deux ans, et sur lequel il ne reviendra sûrement pas avant la fin du quinquennat. Outre France 4, dont Macron a promis sans l’inscrire dans la loi la préservation avec une offre jeunesse en journée et une offre culture en soirée, ces débats ne nous auront pas permis de parler de certains sujets essentiels. Il s’agit par exemple de la place du sport féminin à la télévision, de l’accès des habitant·es d’outre-mer à l’ensemble du bouquet TNT de la télévision (ils ne reçoivent aujourd’hui que 7 chaines sur 25), ou encore de la reconnaissance et la diffusion des Deaflympics, ces jeux olympiques non reconnus par la France et destinés aux athlètes sourd·es. Aucune mesure non plus concernant l’accès de toutes et tous au sport à la télévision. Aujourd’hui une personne qui souhaite avoir accès à l’ensemble de l’offre sportive télévisuelle doit débourser 80€ d’abonnements cumulés par mois, sachant que seulement la moitié des 51 matches de l’Euro 2021 seront diffusés sur des chaines gratuites. Cela ne nous semble pas juste.
Enfin, alors que l’on a appris au mois de mai le projet de fusion entre TF1 et M6, et plus récemment la prise de contrôle de Bolloré sur Europe 1, le gouvernement a refusé tout débat sur des dispositifs visant à lutter contre la concentration des médias. 9 milliardaires contrôlent aujourd’hui en France 90% des médias ! Face à cela, nous proposions d’interdire la détention par une même personne de plusieurs médias, et nous souhaitions que soit diffusé un bandeau informationnel avant chaque journal télévisé ou radiodiffusé pour indiquer à qui appartient la chaine.
En définitive, le gouvernement et la majorité optent pour un texte bâclé, sur lequel l’opposition n’a pas eu son mot à dire. 23 de nos 45 amendements ont été déclarés irrecevables lors des débats en commission, peu ou prou la même proportion en hémicycle. Plus ubuesque : des amendements irrecevables en commissions ont été déclarés recevables en séances. Les autres ont été rejetés, évidemment. Tout cela témoigne d’une certaine précipitation, d’un refus du débat, et de pratiques toujours autoritaires et vouées au dogme libéral : censure, répression, et défense des acteurs privés et de leurs intérêts. De notre côté, nous avons défendu un véritable pluralisme des médias, un accès plus large à l’audiovisuel pour tou·te·s et la consécration du service public. Les débats se sont achevés le 23 juin, vers 20h. La majorité a eu le temps de dîner, et d’être à l’heure pour regarder les Bleus à la TV. Rien de nouveau sous le soleil.