J’ai attiré l’attention de Mme la ministre des armées sur le droit d’accès aux archives contemporaines. Il s’agit notamment de deux dispositions, l’une réglementaire, l’autre législative, qui organisent une restriction sans précédent de l’accès aux archives et dont l’une a été contestée devant le Conseil d’État par plusieurs associations ainsi qu’un collectif d’archivistes, de juristes et d’historiens.

En effet, la nouvelle instruction interministérielle n° 1300 (IGI 1300) sur le secret défense, de valeur réglementaire, oblige à conditionner toute communication de documents antérieurs à 1970 et portant un tampon « secret » à une procédure administrative de déclassification. L’accès à des documents à haute valeur historique et mémorielle, aussi essentiels que ceux concernant l’Occupation, les guerres coloniales et les débuts de la Vème République, se trouve ainsi entravé durant des mois voire des années et empêche le travail des intellectuels. Comme le rappellent les associations et collectifs à l’origine de la saisine au Conseil d’État, soutenue par une pétition de 18 000 signatures, cette nouvelle procédure est légalement contestable dans son principe même. En effet, la loi actuelle prévoit une communication entière des archives classées secret-défense à l’issue d’un délai de 50 ans, sans condition particulière. A contrario, l’IGI 1300, outre la fixation arbitraire d’un périmètre de secret-défense à partir de mars 1934 (tout document postérieur à cette date et classé secret-défense devra faire l’objet d’une demande de déclassification à l’administration, aux critères volontairement flous), crée une nouvelle catégorie d’archives non communicables, ce au mépris de la loi actuelle. Dès lors, suite à la saisine du Conseil d’État, le Président de la République a répondu en proposant la possibilité pour les services d’archives de déclassifier les documents secret-défense par un procédé de démarquage au carton. Pour les associations, cela ne résoudra rien, d’autant plus qu’elles s’inquiètent désormais du nouveau projet de loi renseignement et sécurité intérieure, dont le vote est prévu en pleine période estivale. Comme le font savoir plusieurs associations dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche le 18 avril 2021, ce texte, s’il est promulgué, entend modifier la manière de calculer le délai de cinquante ans durant lequel les archives classés secret-défense ne sont pas communicables. De la même manière, ce sera l’administration qui définira unilatéralement, sans contrôle du Parlement, les délais de mise en accès des archives classées secret-défense. Par conséquent, M. le député dénonce avec vigueur cette restriction du droit d’accès aux archives, qui non seulement bafoue clairement le droit constitutionnel d’accès aux archives publiques, consacré en 1789, mais également organise progressivement le règne de l’arbitraire et de l’impunité de l’État et de ses représentants. Cette nouvelle attaque contre les principes républicains et démocratiques est grave. Par ailleurs, on ne bâtit pas l’avenir sur l’oubli et la négation de l’histoire, y compris ses périodes les plus sombres. Contre le règne de l’arbitraire, il l’appelle donc à retirer l’IGI 1300 et la disposition inclue dans le projet de loi renseignement et sécurité intérieure.